XIA GUI

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On ne possède que très peu d’informations sur la vie de Xia Gui: il était originaire des environs de Hangzhou et occupa une position officielle à l’Académie impériale de peinture sous le règne de l’empereur Ningzong (1195-1224).

La peinture de Xia Gui, très appréciée à l’époque, lui valut la distinction honorifique du «ruban d’or». Avec son contemporain Ma Yuan, il fut le plus important représentant de la peinture de paysage à l’époque des Song du Sud.

Hangzhou et l’Académie des Song du Sud

Son activité s’exerça dans un milieu de rêve, à une époque paradoxale. Milieu de rêve: Hangzhou avec ses collines et son lac, ville fastueuse qui unissait tous les raffinements de la vie urbaine aux charmes d’un site exquis. Époque paradoxale, où l’humiliation nationale se doublait d’une prospérité sans précédent, où l’impuissance politique s’accompagnait d’un superbe épanouissement culturel. Sous la pression du royaume tartare des Jin, la dynastie Song, incapable de lutter – ou plutôt incapable d’entretenir une volonté de lutte, (car les moyens matériels et militaires étaient loin de lui faire défaut) –, avait acheté une paix provisoire en renonçant à la moitié septentrionale de l’Empire et déplacé sa capitale à Hangzhou. Là, tournant le dos à l’orage qui s’accumulait, elle s’offrit, pour un siècle et demi encore, le luxe d’un crépuscule nonchalant et splendide. Si les hommes d’action rongeaient leur frein dans ce climat débilitant, poètes et artistes, eux, y trouvaient leur compte: en échangeant les paysages grandioses et sévères de la Chine du Nord pour la douceur luxuriante de cette nature amène, ils avaient trouvé une inspiration nouvelle, d’un caractère plus lyrique et intime. En même temps, le milieu urbain de Hangzhou offrait à leur activité des conditions intellectuelles et matérielles particulièrement favorables. Malgré toutes les vicissitudes politiques des périodes ultérieures, cette prépondérance culturelle et artistique de la région du Sud-du-Fleuve, consacrée par l’établissement temporaire de la capitale politique à Hangzhou, restera un fait définitivement acquis pour les siècles à venir.

Sitôt installés dans leur nouvelle capitale, les Song du Sud s’étaient empressés de reconstituer cette académie de peinture à laquelle le dernier souverain des Song du Nord, Huizong (1101-1126), à la veille même de perdre et son trône et sa liberté, n’avait cessé de donner le meilleur de son attention. Cette nouvelle académie continua les travaux de l’ancienne, ses premiers chefs de file (Li Tang, Li Di) étaient d’ailleurs d’anciens membres de l’académie de Huizong, venus se réfugier dans le Sud. S’il y a évolution, il n’y a donc pas rupture entre la peinture des Song du Nord et celle des Song du Sud; Xia Gui et Ma Yuan, qui devaient fournir le type le plus exemplaire du paysage académique, avaient pris pour point de départ l’art de Li Tang, dont la carrière s’était étendue sur les deux périodes et dont la peinture se trouvait directement tributaire de la haute tradition des grands paysagistes des Xe et XIe siècles, Fan Kuan en particulier. Mais malgré cette filière continue, de Fan Kuan à Xia Gui en passant par Li Tang, la métamorphose est radicale: la sévérité sereine, la plénitude majestueuse de Fan Kuan avaient déjà perdu de leur ampleur chez Li Tang, pour se doubler d’une sensibilité plus impressionniste et subjective.

L’écriture elliptique de Xia Gui

Xia Gui dramatise et simplifie encore cet héritage de Li Tang; les «rides taillées à la hache» qu’aimait utiliser son prédécesseur, impétueusement grossies, forment la texture fondamentale de sa peinture et deviennent une écriture audacieuse et elliptique, d’une infaillible efficacité, qui constituera en quelque sorte la «marque de fabrique» du paysage des Song du Sud. Chez Xia Gui, la virtuosité technique est éblouissante; sa peinture cherche à «accrocher l’œil» – le goût plus réservé des lettrés Yuan, Ming et Qing ne le lui pardonnera pas –, mais les moyens auxquels elle a recours sont du meilleur aloi, car ce métier impeccable est au service d’une émotion sincère et d’une profonde intuition de la nature.

La contribution originale de Xia Gui réside avant tout dans son génie de la simplification et de l’ellipse; il réduit les éléments peints à un strict minimum, de manière à les charger d’un maximum d’intensité expressive; son pinceau nerveux et économe répartit quelques rares signes, qui créent à travers la page blanche comme les pôles d’un invisible échange d’énergie; l’espace s’investit ainsi de tensions actives, le vide acquiert une signification positive. Pour atteindre ce résultat, Xia Gui dispose d’une incomparable science de la composition, dont on trouve un des plus beaux exemples dans le célèbre rouleau horizontal Vue claire et lointaine d’un fleuve dans les montagnes (Musée du Palais, Taipei).

Le «rouleau horizontal», forme particulière de la peinture chinoise, pose les plus difficiles problèmes d’organisation de l’espace; il est conçu non pour être exposé, mais pour être «lu»; l’expression chinoise est particulièrement heureuse, car il s’agit vraiment d’un processus successif de lecture et non d’une saisie globale et simultanée de l’œuvre, l’amateur enroulant d’un côté la peinture au fur et à mesure qu’il la déroule de l’autre, en sorte qu’il n’en a jamais une vue totale, mais effectue en elle un voyage dans l’espace et le temps. Le caractère successif de cette lecture dote la peinture d’une dimension temporelle comparable au déroulement d’une composition musicale; au peintre donc d’organiser le rythme et le tempo de son œuvre, de conduire le «lecteur» à travers une alternance contrastée de temps forts et de repos, depuis un mouvement d’ouverture jusqu’à une «finale». Cette forme de peinture se prête de plus à une intervention active du spectateur: elle recèle un nombre illimité de compositions possibles; au spectateur de sélectionner celles-ci en isolant à son gré des sections d’ampleur variable, qu’il découpe au fur et à mesure des étapes de sa lecture. À cet égard, la Vue claire et lointaine s’impose comme le rouleau horizontal par excellence, un des plus parfaits exemples du genre (avec le rouleau des Monts Fuchun de Huang Gongwang), réussissant à ménager une diversité innombrable dans une unicité dynamique.

Postérité de l’école Ma-Xia

La peinture de Xia Gui est étroitement associée à celle de Ma Yuan; tous deux participent d’une même esthétique et ne diffèrent que par le tempérament – Ma plus contemplatif et poétique, Xia plus dramatique et nerveux –, aussi la critique a-t-elle désigné leur art sous le nom d’«école Ma-Xia». Leur peinture est éminemment accessible et séduisante, d’où la vogue considérable qu’elle connut, et le grand nombre de ses imitateurs. Néanmoins, avec son désir de plaire, sa volonté de lisibilité et de clarté logique, sa propension à la prouesse technique et à la mise en formules, il s’agissait fondamentalement d’un art académique, et qui comportait en germe un facteur de dessèchement. À partir de l’époque Yuan, les lettrés sentirent le péril et une forte réaction du goût s’opéra contre l’école Ma-Xia, qui ne fut guère suivie que par les «artisans» professionnels.

La relative défaveur dans laquelle ces œuvres furent finalement tenues en Chine même vint paradoxalement favoriser leur diffusion à l’étranger: comme ce fut le cas pour les peintures Chan (ou Zen) de la même époque, les collectionneurs japonais, ne rencontrant guère de concurrence sur le marché chinois, purent en importer un grand nombre au Japon où elles exercèrent une influence considérable sur la peinture locale. Quant à l’Occident, c’est dans une large mesure par le truchement de l’école Ma-Xia (et de ses imitations) qu’il a commencé à découvrir le paysage chinois. Comme entrée en matière, ce choix est excellent, du moment que l’on prend conscience de ses limites et qu’il ne voile pas certaines valeurs plus profondes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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